
Financement politique : Le Rassemblement National et ses prêts privés au microscope judiciaire, ou comment emprunter sans passer par la caisse
Le 11 juillet 2025 restera gravé dans les annales comme ce jour où la justice, armée de ses cartons et de son sérieux implacable, a frappé au siège du Rassemblement National (RN) pour y découvrir un trésor peu commun : un modèle de financement politique où les prêts privés tiennent la vedette. Oui, vous avez bien lu, pas de banque, pas de sponsoring corporate, mais un crowdfunding façon années 2000 avec des particuliers prêtant des fortunes pour que la machine électorale tourne.
Quand l’extrême droite joue à la Banque Populaire… mais sans les banques
Contrairement à la plupart des partis politiques français qui ont depuis longtemps troqué le ticket de métro contre les prêts bancaires classiques (et un peu mornes), le RN s’est fait une spécialité des prêts entre amis, ou presque. Selon les comptes officiels validés par la CNCCFP — cette joyeuse commission chargée de vérifier que les partis ne transforment pas les fonds publics en machine à billets clandestine — le RN affichait fin 2023 un impressionnant encours de plus de 20 millions d’euros empruntés à des particuliers. Le plus ancien prêt remonte à 2007, preuve d’une fidélité à toute épreuve entre le parti et ses généreux créanciers.
Pour la campagne européenne 2024, plus de 87 % des prêts provenaient de seulement 225 particuliers, une élite du financement au détail dont quelques irréductibles ont même prêté plus de 50 000 euros chacun. À ce tarif-là, on se demande si ces particuliers ne seraient pas mieux conseillés par un banquier, mais le RN explique humblement que les banques traditionnelles leur ferment la porte au nez.
« Malgré notre dossier de plus en plus solide de demande de prêt, aucune banque française ne nous finance », a plaidé Kévin Pfeffer, le trésorier du parti, dans un élan quasi romantique et un brin tragique.
Prêts « habituels », prêts flous, prêts… particuliers
Si cette pratique relève de la légalité selon certains, elle se situe dans une zone grise où la réglementation tente de ménager la chèvre et le chou. En effet, la loi encadre strictement les prêts privés aux partis politiques pour éviter qu’ils ne déguisent des dons illimités. Par exemple, la CNCCFP définit un prêt comme « habituel » s’il dépasse certains seuils — plus de deux prêts totalisant 100 000 euros pour un parti, par exemple. Mais cette définition reste administrative et n’a pas encore été tranchée par la justice, qui pourrait bien donner un coup de marteau sur cette subversion financière.
D’autres experts juridiques, comme le professeur Romain Rambaud, soulignent que la notion d’habitude est surtout conçue pour protéger le Code monétaire et financier, et qu’elle pourrait ne pas s’appliquer telle quelle dans le domaine électoral. Bref, c’est un peu comme si la loi jouait au chat et à la souris, sauf que les souris ont des liasses de billets à la place du fromage.
L’appel à la « banque de la démocratie », ou comment officialiser la cagnotte entre copains
Dans ce contexte, le RN réclame à cor et à cri la création d’une « banque de la démocratie », une idée lancée timidement en 2017 par François Bayrou, alors ministre de la Justice, mais qui tarde à voir le jour. L’idée, louable en théorie, consisterait à offrir aux partis un établissement bancaire dédié, transparent et équitable, où chacun pourrait emprunter sans suspicion.
Mais entre temps, le modèle RN a déjà fait des émules : Reconquête et d’autres formations politiques flirtent aussi avec les prêts privés pour fuir la froideur des établissements bancaires classiques. En somme, c’est un prêt-à-porter politique, mais avec une taille unique : le portefeuille bien garni.
Transparence, justice et suspicion : les perquisitions comme rappel à l’ordre
Alors que les perquisitions récentes n’ont pas encore abouti à des charges formelles, elles jettent une lumière crue sur ce système de financement peu conventionnel. Ce feuilleton judiciaire, qui succède à d’autres affaires (notamment celle des emplois fictifs d’assistants parlementaires), traduit la difficulté chronique de réguler un système où financeurs privés, intérêts politiques et légalité s’entremêlent savamment.
Pour le RN, c’est la persécution judiciaire habituelle, le « gouvernement des juges » qui s’acharne sur eux, tandis que pour beaucoup d’observateurs, c’est surtout une invitation à clarifier les règles, entre la nécessité de financer la démocratie et celle d’éviter les financements opaques.
En guise de conclusion… et de conseil financier
Si vous êtes un particulier nostalgique des années 2000, que vous avez toujours rêvé d’être un banquier amateur et que vous croyez à la démocratie participative à la sauce prêt-à-prêter, le modèle RN est peut-être fait pour vous. Il suffit d’un chèque, d’une bonne dose d’idéologie et de beaucoup, beaucoup de confiance dans la bonne foi politique.
Attention toutefois : comme dans toute banque, il y a un risque que l’on ne vous rembourse jamais, ou que vous soyez perquisitionné à domicile. En cas de doute, mieux vaut s’en tenir aux comptes en banque classiques… ou attendre la fameuse « banque de la démocratie », qui, on l’espère, ne fera pas faillite avant la prochaine élection.
Sources et références
- Perquisitions au RN : que dit la loi sur les prêts de personnes privées aux partis politiques ? – Public Sénat
- [CNCCFP – Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques]
- Interview de Kévin Pfeffer, trésorier du RN
Un article signé Le Gorafi – Là où le sérieux rencontre l’absurde pour mieux vous informer… ou pas.